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L’émerveillement : une denrée éducative essentielle

Dernière mise à jour : 3 avr.


Être enfant suffit pour apprendre.


Parce qu’être enfant c’est un peu comme être nouvellement amoureux lors d’un voyage à Paris et avoir bu un double espresso 1 . Ça palpite de partout. Ça déborde d’enthousiasme. Ça donne l’élan de marcher dans la vieille capitale jusqu’à épuisement pour assouvir ce gouffre insatiable de curiosité.


Être enfant, c’est être pré-programmé pour apprendre de la façon la plus efficace et durable qui soit. C’est-à-dire que la nature, ne sachant dans quel environnement nous naissons, nous dote, dès le début, d’une énergie immense, d’un moteur d’agir qui n’a pour but que de nous permettre de fournir les efforts cognitifs nécessaires pour apprendre à survivre et nous adapter à notre environnement.


Et cet élan vital, cette force qui nous pousse à explorer et à apprendre, c’est

l’émerveillement.


L’émerveillement notre bougie d’allumage


L’émerveillement est ce qui fait naitre les « pourquoi » 2 . Dans ces « pourquoi » se cache l’essence de l’apprentissage, c’est-à-dire combler le fossé entre ce que nous pensions savoir et ce qui se joue sous nos yeux. Et c’est ce jeu de va-et-vient qui entraine la posture de curiosité nécessaire à tout apprentissage.


Platon et Aristote mentionnaient, déjà à l’époque, que l’émerveillement et l’étonnement étaient à l’origine de la

philosophie. Ce n’est pas un hasard, « c’est lorsque l’enfant est attentif et engagé que son intelligence peut être surprise par un décalage entre sa projection et la réalité. Le cerveau réajuste alors ses connexions et ses probabilités. Lorsque nous ne sommes pas activement engagés, nous ne faisons pas de prédictions, et ne pouvons par conséquent pas les réajuster : pas ou peu d’apprentissages se réalisent. » 3


Ce processus libère un cocktail de neurotransmetteurs (entre autres de la dopamine: la fameuse hormone du plaisir) qui tracent, dans la tête de l’enfant, le chemin de l’apprentissage en cours. Sa curiosité, enveloppée d’enthousiasme, booste ses facultés de mémorisation et c’est ce qui trace la ligne entre apprendre par cœur et apprendre pour de vrai.


Pour le dire dans d’autres mots, lorsque l’enfant apprend dans un contexte

qui l’enthousiasme, il ressent du plaisir à le faire et le fait d’une façon plus fluide et plus

durable.


Ce flux cognitif bouillonnant, loin de tout agent stressant, permet aux enfants de connecter des idées et des concepts entre eux pour en faire des éléments nouveaux et inattendus et d’entrer de plein fouet dans la créativité. Le processus est plus ambitieux et important que le résultat. Et c’est précisément la force inégalée de ce processus qui fait de l’enfance une période à part entière animée par une pulsion qu’on tente, notre vie entière, de retrouver.


Votre instinct pointe possiblement l’incohérence entre cette soif d’apprendre de l’enfant en jeune âge et ce qui arrive à cet élan naturel lorsqu’il est question d’apprentissages plus formels. Mais voilà, malgré les ruses, les efforts, la volonté et toute la bienveillance du monde, on ne peut décider du niveau d’enthousiasme de quelqu’un: « enthousiasme-toi beaucoup pour cela, moins pour cela ».


L’enthousiasme ne se conjugue pas à l’impératif. Ça ne se commande pas. Cela érige une barrière difficilement franchissable quand cet enthousiasme se heurte à une structure plus ou moins rigide qui dicte, organise et canalise les moments où - peut-être - l’enfant peut s’y consacrer pleinement.


C’est, à mon avis, le plus grand paradoxe éducatif. On sait, de façon rigoureuse et documentée 4 que le cerveau apprend mieux et de façon plus durable lorsqu’il est animé de curiosité, de questionnements et surtout baigné d’enthousiasme, mais pourtant, se donner le temps, l’espace et les moyens de capitaliser sur cette incroyable faculté ne semble relever que de l’alternatif, du marginal, voire de l’utopique.


Jeu et apprentissage


Le jeu, rappelons-le, est la réponse naturelle au débordement d’enthousiasme de l’enfant. C’est en jouant qu’il s’approprie le monde et les concepts autour de lui et ose en tester les limites. Mais la qualité immersive du jeu est parfois si puissante que l’enfant oublie qu’il joue, qu’il fait des tests, qu’il tente de résoudre des problèmes et qu’il mobilise ses connaissances. Apprendre, ce n’est pas juste savoir. Apprendre, c’est, surtout, savoir que l’on sait. 


Se pointe alors un deuxième paradoxe : Être enfant suffit pour apprendre, mais pas tout seul. « Si l’être humain est câblé pour apprendre par sa propre activité, il n’est pas pour autant prédisposé à apprendre seul, sans aucune aide. Le jeune être humain doit apprendre par lui-même, mais avec l’aide de l’autre. » 5


Pour apprendre du jeu, il faut sortir du jeu. Il est donc du rôle de l’adulte, via son expertise et son langage, d’expliciter ce qui s’est passé en contexte de jeu, de mettre des mots sur les stratégies utilisées, etc. Ce retour sur expérience est essentiel pour espérer un transfert conscient entre jeu et réalité. Et c’est en se connectant aux émotions vives vécues lors du jeu que notre rétroaction résonnera particulièrement chez l’enfant et risquera de s’ancrer de façon beaucoup plus durable.


Cette connexion avec l’enfant assure d’ailleurs l’horizontalité nécessaire à un apprentissage qui fait du sens. On plonge dans SON monde pour faire remonter à la surface - et surtout mettre en mots et rendre conscient - les apprentissages qu’il a fait.


Ce moment de connexion participe à sa spécialisation cérébrale, au câblage de son cerveau. Voilà, s’il en est un, notre rôle de pédagogue.


Apprendre à apprendre.


On apprend mieux quand on sait apprendre.


Apprendre à apprendre est le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un enfant.

C’est lui donner les clés pour mener à terme ses recherches sur le monde qui l’entoure.


Apprendre n’est pas passif. Ce n’est pas quelque chose qui nous arrive par magie, c’est quelque chose qui nous arrive parce que notre cerveau est dans des conditions idéales pour le faire. Et ce sont ces conditions qu’il faut, à la fois, mettre en place mais surtout expliquer aux enfants pour qu’ils soient conscients du pouvoir qu’ils ont sur leur apprentissage et de ce qui se passe dans leur tête lorsqu’ils apprennent. Ceci entraîne un état d’esprit dynamique qui, à l’opposé d’un état fixe, donne confiance à l’enfant que son cerveau a la capacité d’apprendre et la capacité à s’améliorer. Être conscient que notre cerveau est plastique, évolue et se modifie est ce qui nous permet de rebondir sur les erreurs qui arrivent en cours d’apprentissage et de les utiliser pour

modifier notre logique et progresser. C’est ce qui nous fait passer d’analphabète à lettré, peu importe le domaine. Savoir apprendre libère.


Une posture pour tout changer


Une image glanée dans De la piraterie en éducation de Thierry Pardo me semble particulièrement judicieuse pour clore cet article comme on a commencé: par une métaphore de voyage…


Si vous avez eu la chance de voyager - et surtout avec vos enfants - vous avez sans doute pu ressentir cette posture d'apprentissage en simultanée - un retour à une certaine horizontalité qui brouille la frontière éducateur-apprenant. Car en voyage, on s’approche, comme adulte, un peu d’un monde à grandeur d’enfant. Nos codes et repères sont souvent bafoués. On ne contrôle plus tous les paramètres, on descend un peu de notre stalle d’expert et on se retrouve, avec nos yeux émerveillés, à prendre part à un quotidien nouveau, dépaysant qui est rempli de curiosités avec comme nul autre choix que de suivre nos « pourquoi » intérieurs afin de s’adapter à cette nouvelle destination. On retrouve, d’une certaine manière, notre esprit curieux d’enfant. « Il n’y a plus le professeur qui sait et l’élève qui apprend. Il y a des individus qui découvrent ensemble, à leur niveau, en fonction de leurs intérêts ce que le monde a de merveilleux. » 6


Appelons ça la posture-voyage. Je crois sincèrement que c’est ce qu’il faut viser pour s’approcher d’un apprentissage qui oscille au rythme de l’enthousiasme. Et cette posture n’a pas besoin de traverser un océan pour exister. Elle peut tout à fait teinter notre quartier, notre rue, notre maison. Pour pas cher, un peu de temps, d’investissement, c’est cette posture-voyage qui nous permet d’embarquer dans le quotidien émerveillé de nos enfants et, sans partir pour le grand tour du monde, nous permettre au moins de faire le tour de LEUR monde.



Notes:

1 Pour reprendre une image donnée par Alison Gopnik, professeur de psychologie

2 Catherine L’Écuyer, Cultiver l’émerveillement

3 Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’enfant

4 À ce propos, les ouvrages de Stanislas Dehaene sont vraiment indispensables.

5 Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’enfant

6 Thierry Pardo, De la piraterie en éducation




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