Pourquoi j’ai arrêté de publier le visage de mes enfants sur les réseaux sociaux?
- Jean-Simon Bui
- il y a 2 jours
- 3 min de lecture
Jean-Simon Bui est journaliste et chef d’antenne chez Noovo Info, reconnu pour sa curiosité insatiable et son approche accessible de l’information. Passionné par les enjeux sociaux et les récits qui rapprochent, il met son regard sensible au service d’une parole engagée. En dehors de son travail journalistique, il est un fier père de famille, amoureux des mots et des rencontres.
Quand mon premier garçon est né en 2022, la joie que j’ai ressentie dépasse les mots. Je n’apprends rien aux parents qui me lisent, mais on ne peut pas comprendre avant de le vivre.
Et une des premières choses que j’ai eu envie de faire en rentrant à la maison, c’est de partager cette joie avec tout le monde. Quand je dis tout le monde, c’est tout le monde. Pendant des semaines, voire des mois, j’ai inondé mes milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux de moments croqués dans la vie de mon bébé, humoristiques, touchants, significatifs.
Il faut dire que tout nous porte, comme parent, à vouloir offrir un peu de ce bonheur à notre entourage, proche et éloigné. D’autant plus que, bien sûr, les likes et les commentaires attendris pleuvent sous ce type de publication.
Je n’ai pas vraiment réfléchi à l’exposition des enfants sur les réseaux sociaux avant de visionner une publicité qu’une abonnée m’a fait parvenir. La vidéo de sensibilisation présente, de manière choquante, les conséquences possibles d’une vidéo, d’une photo, d’un extrait audio publié sur le web. Été 2023, l’intelligence artificielle commence à s’imposer… et les risques qui y sont associés aussi, de l’usurpation d’identité à la production de pornographie juvénile.
C’est d’ailleurs ce dernier risque qui a scellé ma décision quant au partage du visage de mes enfants sur les réseaux sociaux. En octobre 2023, après le partage d’une photo de mon fils, un ex-enquêteur du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) m’a écrit personnellement. Je retranscris ici son message qui glacerait le sang de n’importe quel parent.
« Bonjour Jean-Simon, vous faites ce que vous voulez... Mais, conseil, les photos de vos enfants, de face, peuvent être réutilisables et modifiables par l'AI. Elles peuvent se retrouver sur des réseaux pédophiles. J'ai une amie qui travaille sur l'exploitation sexuelle des enfants. Elle m'a expliqué les images scabreuses. Même de bébés... Ils sont fous. »
Un tel avertissement, venant d’une personne d’autorité, a achevé mon processus de réflexion. Ce n’est pas de la science-fiction, ce que cet enquêteur retraité m’a écrit. En octobre 2024, un Britannique de 27 ans a été condamné à 18 ans de prison pour avoir généré une quantité effarante de pornographie juvénile via l’intelligence artificielle, en se faisant payer pour réaliser les fantasmes déviants sur des forums pédophiles. Le degré de dépravation des images produites dépasse l’entendement. 25 arrestations partout à travers le monde ont été réalisées en février dernier dans un dossier similaire.
Je me doute que la lecture du dernier paragraphe vous donne froid dans le dos. Malheureusement, la réalité n’est pas rose; ce qu’il y a de plus sombre dans l’âme humaine veille, tapi, sur le web. Et j’ai pris la décision que je ne prendrais pas le risque de lui livrer mes enfants.
Loin de moi l’idée de vous juger si vous partagez le visage de votre enfant sur les réseaux sociaux. Je l’ai fait, beaucoup. Mais seuls les fous ne changent pas d’avis, et si ces quelques mots ont su vous faire réfléchir tant mieux.
Là-dessus, je vous laisse, je retourne prendre des photos adorables de mes garçons. Vous me demanderez en privé si vous voulez les voir !
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